Jacques Vallée, une approche différente...

Par Grégory Gutierez (UFOCOM)

Le professeur J. Allen Hynek et Jacques Vallée en 1978 (tiré du livreScience Interdite, O.P. Editions, 1997)


Introduction

I - Parcours ufologique...

1 - Première approche du phénomène OVNI
2 - Passons aux choses sérieuses...
3 - Un système de contrôle ?

 

II - Quelques pièces et outils versés au dossier OVNI...

1 - La classification Vallée
2 - Les sept pièges du faux raisonnement
3 - Ummite-moi un extraterrestre
4 - Cinq arguments contre l’origine extraterrestre des OVNI

Conclusion

Bibliographie


Introduction

Pourquoi un article sur Jacques Vallée ?

Toute personne intéressée par l’ufologie connaît son nom et sait bien que c’est lui qui inspira le rôle du scientifique français joué par François Truffaut dans le film de Spielberg, Rencontre du IIIème type. Mais à part ça, que sait-on aujourd’hui de son travail considérable depuis les années 50, dans la petite communauté virtuelle qui chasse l’OVNI ?

Et pourtant, à la lecture de ses nombreux livres, on ne peut qu’être favorablement impressionné par le temps et l’argent qu’il a investis à la recherche des sacrés soucoupes, par toutes les pistes d’étude qu’il a pu défricher, et par son habitude d’aller directement enquêter sur le terrain, quel que soit le pays concerné, plutôt que de se fier aux habituelles informations de seconde main qui dénaturent tant les rapports... Bien entendu Vallée n’est pas parfait, loin de là, et nous verrons qu’il a parfois sous-estimé l’importance de certains aspects du dossier, mais il n’en reste pas moins que son travail est incontournable pour toute personne qui voudrait en savoir plus.

Je vous propose donc un petit tour d’horizon de ce que je sais de l’homme et de son travail... D’abord son parcours ufologique et ses livres, puis quelques unes des pièces qu’il apporte au débat et qui peuvent intéresser les autres chercheurs.

À vous de vous faire votre avis...

***

I - Parcours ufologique...

 

1 - Première approche du phénomène OVNI

Tout commence pour l’étudiant Jacques Vallée en France, dans les années 50. Il vit à Cergy-Pontoise et par un beau matin de 1955, dans le jardin de la maison familiale, il aperçoit dans le ciel un objet bizarre, " un disque avec une coupole transparente dessus ", qui reste stationnaire dans le ciel durant plusieurs minutes... Il refoule cette expérience pendant de nombreuses années, se persuadant que ce devait être un quelconque prototype militaire, mais au fond de lui-même cette explication est loin de le satisfaire.

Jacques Vallée, à son domicile de Cergy-Pontoise, en 1957

En 1961, sa maîtrise en astrophysique lui permet d’entrer à l’Observatoire de Paris, au tout nouveau service des satellites artificiels (basé à Meudon). Son travail consiste à traquer tout les objets traversant le ciel en haute altitude, afin de tenir à jour les éphémérides. Il travaille avec 2 autres astronomes à cette tâche. C’est à cette époque qu’il se rend compte que des choses tout à fait inhabituelles et inexpliquées parcourent le ciel. Il lui arrive parfois de traquer des cibles qui ne correspondent à rien de connu, qui ne sont pas des météorites et qui ne sont répertoriées nulle part... Il est alors confronté au mutisme des institutions : lorsqu’avec ses camarades il fait part de ces observations étranges à son supérieur direct, celui-ci se contente de les jeter à la poubelle : pas question de se tourner en ridicule, les Américains se riraient bien de nous !

Jusque là, Vallée s’était dit que si les OVNI existaient vraiment (à l’époque on parle encore de M.O.C., mystérieux objets célestes, comme les avait baptisés Aimé Michel), les astronomes les auraient vus et étudiés depuis belle lurette. Désormais il sait que les choses ne sont pas si simples. À titre personnel, il se met en contact avec des scientifiques, en France et aux États-Unis. La même attitude de censure instinctive se retrouve partout, mais aussi une tripotée de collègues qui se rendent bien compte que la situation doit changer, qu’on ne pourra continuer ainsi longtemps, à faire comme si rien ne se passait.

2 - Passons aux choses sérieuses...

En 1962, il part aux États-Unis pour aller travailler au département d’astronomie de l’université du Texas. Il prend rapidement contact avec le professeur J. Allen Hynek qu’il rejoint en 1963, à l’université de Northwestern, près de Chicago. Hynek est alors le conseiller scientifique de l’armée de l’Air pour le projet Blue Book. Cet universitaire Américain est encore confiant et optimiste à l’époque, persuadé que son gouvernement s’intéresse véritablement au problème.

En 1969, le rapport Condon met un terme définitif au projet Blue Book : les OVNI ne présentent aucun intérêt scientifique, leur étude ne sert à rien. Ouf, la communauté scientifique peut vaquer à ses occupations légitimes, et le public se rendormir sur ses deux oreilles (comme le faisait d’ailleurs Condon pendant les réunions qu’il dirigeait).

Mais pour Hynek et son bras droit Vallée, la réalité est tout autre. Durant leur collaboration avec l’armée de l’Air, ils s’aperçoivent petit à petit que tous les rapports d’observation ne sont pas envoyés à Hynek, loin de là : on ne lui transmet que les cas les moins probants... Les militaires avec qui ils travaillent semblent adopter 2 attitudes : certains veulent à tout prix se débarrasser de ce dossier encombrant qu’ils jugent sans intérêt, d’autres sont bien réservés, faisant des cachotteries et mêlant le chaud et le froid. Hynek et Vallée ont la forte impression d’être manipulés comme des marionnettes, utilisés comme caution. Vallée finit par avoir la certitude que le rôle de l’armée n’est pas clair du tout, qu’elle cache une grosse partie de ce qu’elle sait, et qu’enfin elle mène discrètement de son côté des recherches bien plus poussées, à partir de rapports très bien fournis qui restent confidentiels. Le projet Blue Book ne serait qu’une façade bien pratique pour calmer les esprits...

"Vallée fut parmi les premiers à critiquer l'attitude très douteuse de certains services gouvernementaux, utilisant la désinformation et la noyautage afin de "couler" la recherche civile... (ci-dessus, la très discrète NSA et la DIA)"

N’ayant plus vraiment confiance en une collaboration militaires - universitaires, Vallée se retire progressivement des turpitudes officiels et se met à travailler à titre personnel sur le sujet...

En 1965, Vallée publie sa première étude sur le sujet, Anatomy of a phenomenon : unidentified objects in space - A scientific apraisal. Toute la communauté ufologique Américaine reçoit avec enthousiasme ce livre écrit par un scientifique, à mille lieux des divagations extrêmes de la littérature OVNI du moment.

Puis en 1966 et en français cette fois, il écrit Les phénomènes insolites de l’espace.

Il pose dans ces livres les bases d’un travail rigoureux de collecte des témoignages, et d’analyse des caractéristiques qui en ressortent.

En 1969 est publié un livre plus ambitieux, Passport to Magonia - from folklore to flying saucers (bêtement traduit en français sous le tire Chroniques des apparitions extraterrestres !). Vallée y met en parallèle les témoignages modernes d’OVNI d’une part, et des récits folkloriques de tous pays de l’autre. Gnomes, lutins, elfes qui dansent dans les champs et laissent des " ronds de fées " où l’herbe ne repousse plus, qui capturent parfois un humain pendant une journée alors qu’une année s’est écoulée pour ses proches, qui donnent des galettes aux humains rencontrés dans la forêt, qui s’envolent dans leurs grands paniers volants... font curieusement penser aux histoires de soucoupes et aux actes de leurs occupants...

Qu’en déduire ? Vallée parle de " folklore en formation ", sans déterminer l’origine de cette formation. Visiblement, depuis très longtemps, ces phénomènes sont là et interagissent avec l’homme, modifiant sa culture et ses croyances de manière non négligeable. Il faut se méfier de l’explication moderne de vaisseaux extraterrestres visitant la Terre dans un but d’étude, car celle-ci colle trop à notre culture et à nos connaissances actuelles, comme le " Petit Peuple " collait bien à la conception que l’on avait du monde au moyen âge...

Dès cette époque, Vallée systématise ses recherches, il est en relation avec de nombreuses personnes, Aimé Michel est son ami depuis longtemps, tout comme Hynek, mais il a aussi fréquenté le major Quintinilla du Blue Book, et tous les acteurs de l’ufologie américaine, notamment l’APRO. Il correspond aussi beaucoup avec des ufologues d’Amérique Latine, d’Italie, d’Espagne, et avec de nombreux scientifiques qui s’intéressent à titre privé et anonymement au problème OVNI...

Se forme alors autour de lui et d’Hynek tout un cercle de chercheurs. Des réunions sont organisées chez lui à Chicago. On baptise le groupe le " Collège invisible ". Des histoires incroyables, simples rumeurs et faits plus crédibles, sont amassées durant cette période.

3 - Un système de contrôle ?

Quelques années plus tard, en 1975, Vallée publie The Invisible college - What a group of scientists has discovered about UFO influences on the human race. C’est certainement un de ses plus importants livres. On y trouve les pistes de recherches et de réflexion qui faisaient le quotidien du groupe de " UFO brainstorming " qu’était le collège. Notamment les témoignages des siècles passés, des bas-reliefs Phéniciens par exemple qu’on peut interpréter dans une optique OVNI (mais attention, Vallée se garde bien d’en tirer des conclusions hasardeuses comme le fit Von Danïken).

Mais Vallée développe surtout dans ce livre l’hypothèse du " système de contrôle ". Le phénomène OVNI semble se dissimuler lui-même, aujourd’hui le camouflage consiste en vaisseaux extraterrestres, parce que cette explication s’adapte à notre culture. Mais à chaque époque de l’humanité, le même phénomène s’adapterait aux croyances alors en vigueur...

Mais qu’est ce que c’est que ce " système de contrôle " ? La notion reste vague malgré ses tentatives d’explication. Personnellement, j’ai cru y discerner l’idée qu’un élément totalement inconnu de nous, naturel dans une certaine mesure puisqu’il semble avoir toujours été présent, influe sur l’humanité de manière discrète mais profonde, en modifiant petit à petit la psychologie des masses, et ce pour une raison qui nous échappe totalement. Pour prendre une image, la fonction et l’existence de mon PC échappent totalement à l’insecte qui vient de se poser sur mon écran parce que la luminosité l’attirait... (bon, l’image est de moi, et elle vaut ce qu’elle vaut...).

Certains rapprochements de Vallée sont audacieux. Il cite par exemple un des miracles dûs à la grotte de Lourdes : au XIXème siècle, un ouvrier était immobilisé depuis plusieurs années par une jambe parce qu’une section de l’os de quelques centimètres avait été détruite au cours d’un accident de travail. Miraculeusement, il fut guéri et la section manquante réapparut, fait attesté par les médecins qui le suivaient depuis son accident, et qui ne trouvèrent évidemment aucune explication. Et Vallée d’avancer comme hypothèse de travail qu’une technologie suffisamment avancée pourrait greffer, voire synthétiser, des parties d’os du squelette tout aussi bien que ne le ferait le bon Dieu....

Vallée se pose aussi la question de la part " psychique " du phénomène OVNI. Il prend l’exemple d’Uri Geller, qui prétendait avoir été contacté par des OVNI dans sa jeunesse, et en avoir développé ses dons paranormaux.... Évidemment Geller était un habile manipulateur, mais Vallée s’intéresse moins à la validité de l’histoire, qu’au fait que Geller et ses amis aient pu y croire sincèrement, ce qui aurait influencé leur parcours. Vallée passe ainsi en revue plusieurs histoires de " contactés " s’étant par la suite découvert des dons de clairvoyance ou de télékinésie, et ayant constitué de véritables cercles culturellement séparés du reste de la société...

La sonnette d’alarme

En 1979 est publié Messengers of deception - UFO contacts and cults (titre français : La grande manipulation). Cette fois-ci, Vallée étudie les répercutions du phénomène sur de micro-groupes sociaux. Il s’alarme de l’augmentation progressive de cultes voués aux Visiteurs, et qui ont parfois comme base de véritables observations. Dans quelle mesure le témoin/futur gourou est-il seul responsable de la tournure que prennent les événements ? À quoi joue l’intelligence qui se cache derrière le phénomène ? Vallée tire la sonnette d’alarme. Il se pourrait très bien que ses groupements sectaires se développent au-delà de toute attente, et finissent par ruiner une recherche sérieuse. Claude Vohrilon (aussi appelé Raël, aussi appelé " celui-qui-lave-plus-que-blanc " à cause de ses tenues) semble assez inoffensif en 79, qu’en sera-t-il dix ans plus tard ? Enfin, quel est le rôle exact des autorités dans ce jeu trouble et confus ? L’État est-il un simple observateur, ou bien un acteur particulièrement actif ?

Le travail de synthèse

Après quelques années de silence pendant lesquels Vallée s’éloigne de plus en plus de la scène ufologique et de ses polémiques, tout en continuant une étude personnelle, il publie coup sur coup trois volumes, qui synthétisent et détaillent son approche.

Dimensions - a casebook of alien contacts en 1988

Confrontations - a scientist’s search of alien contact en 1990

Revelations - alien contact ans human deception en 1991

N’ayant pas encore lu Dimensions, vous me permettrez de ne pas le résumer.

Dans Confrontations, Vallée se penche sur quelques dossiers qu’il connaît très bien, puisqu’il a personnellement participé aux enquêtes. Il consacre de longs chapitre aux effets physiques des rencontres, modification biologique de certains végétaux (le célèbre cas de Trans-en-Provence), guérisons miraculeuses (cas du fameux docteur X français), voire mort pure et simple (vague brésilienne de 1977)...

Vallée veut démontrer ainsi qu’on en sait un peu plus aujourd’hui qu’il y a 40 ans, les dossiers s’accumulent, mais malheureusement aucun travail de synthèse n’est effectué... Enfin, il insiste beaucoup sur les vertus du travail sur le terrain : inspecter soi-même les lieux, interroger les témoins plusieurs fois, recouper des informations diverses ; vérifier encore et encore ses sources. Il s’est ainsi aperçu que souvent, l’événement réel n’avait rien à voir avec ce qui était raconté et discuté en long et en large dans le milieu ufologique : aller sur le terrain est la base de tout travail sérieux... C’est ainsi qu’un chapitre est consacré à la vague brésilienne de 1977, totalement ignorée par la communauté ufologique jusqu’à ce qu’il se rende lui-même sur les lieux pour savoir de quoi il retournait. Et pourtant, cette vague fut importante : pendant 2 mois, toute la population d’une petite ville isolée put voir, tous les soirs, de nombreux ovnis aux formes très diverses vaquer à d’obscures occupations, et parfois même prendre en chasse des personnes isolées, lesquelles souffraient par la suite de symptômes précis (baisse de tension, fatigue générale, apparition de " cloques " sur le corps, perte passagère de pilosité par endroits...). Une paranoïa collective fit se dépeupler petit à petit les environs, pendant qu’une équipe de militaires était envoyée sur les lieux.

Dans Révélations, il aborde un autre sujet en profondeur : le rôle trouble joué par les autorités dans certains dossiers. Ainsi, Hynek et lui-même furent contactés par des représentants officiels de l’Air Force par exemple, qui leur racontaient avec le plus grand sérieux de fantastiques histoires sur des contacts entre ufonautes et militaires.

Des preuves ? Évidemment qu’il y en avait, il suffisait d’attendre encore quelques semaines, le temps que les dernières formalités administratives soient remplies... Mais les preuves promises se faisaient toujours désespérément attendre. Vallée parle de " technique de la carotte et du bâton ". Lorsque lui et Hynek se lassèrent de ce petit jeu stérile, alors tout simplement les " informateurs " se tournèrent vers d’autres chercheurs moins regardants, moins méfiants, plus crédules. Et l’on vit progressivement apparaître sur la scène ufologique les rumeurs les plus extraordinaires : MJ-12, Zone 51, pacte entre E.T. et gouvernement... Toutes allégations qui s’avéraient plus bancales et infondées les unes que les autres si on se donnait la peine d’aller au fond des choses. Mais ces manœuvres de désinformation avaient réussies. En quelques années, Vallée vit les débats sombrer dans des méandres de plus en plus paranoïaques et fumeux, alors que les observations continuaient à s’accumuler, sans que personne ne se donne plus la peine d’y prêter attention.

Vallée passe en revue quelques unes de ces manipulations et désinformations, notamment l’affaire de Bentwaters en Angleterre en 1980, les allégations de Bill Moore (qui avoua lui-même par la suite avoir travaillé avec les services de renseignements américains pour une opération de désinformation), le canular de l’APEN, l’étrange et inextricable affaire des six de Gulf Breeze...

Il dégonfle au passage quelques baudruches, entre autres la fameuse histoire de " l’expérience de Philadelphie " : en 1943, l’armée américaine aurait procédé à un test secret visant à rendre un porte-avion invisible. Nous sommes en 1943 et la technologie du radar est en plein boum... Effectivement, dit Vallée, il s’agissait de rendre le navire invisible... mais invisible aux radars ! Les sous-marins allemands ayant la désagréable habitude de repérer constamment les flottes alliées... Quant aux suites de cette expérience, on les trouve dans l’actuelle technologie " stealth "...

Enfin, autre manipulation gouvernementale selon Vallée, le dossier Ummo... Nous y reviendrons tout à l’heure.

En 1992 sort UFO chronicles of the Soviet Union : a cosmic samizdat, écrit en collaboration avec la journaliste Martine Castello. À l’heure actuelle, l’ouvrage n’est toujours pas traduit en français, ce qui est bien dommage vu qu’il traite de la vague russe de 1989-1991 (on notera la concordance des dates avec la fameuse vague belge). Il faut noter que ces événements furent tout simplement occultés par l’ufologie américaine et européenne, qui s’en désintéressa rapidement.

Selon Vallée, se désintérêt serait dû en partie à cause des a priori de l’ufologie actuelle : les témoignages parlent de sphères lumineuses d’où sortaient des " géants " blonds d’au moins 3 m. de haut. Or, tout ufologue averti sait bien que les pilotes des ovnis sont petits, gris, poilus et qu’ils travaillent de concert avec le gouvernement américain !

Enfin, en 1996, Vallée publie Forbidden science - Journals 1957-1969. Ce gros volume est un document exceptionnellement intéressant : tout simplement la chronique au jour le jour de la vie et du travail de Vallée pendant une période phare (l’époque du Blue Book). On y croise des personnes aussi intéressantes et disparates que Aimé Michel, J. Allen Hynek, Jacques Bergier, Betty et Barney Hill, Serge Hutin, le capitaine Edward J. Ruppelt... On y comprend aussi quelle était l’atmosphère de l’époque, le rôle trouble de l’armée, les groupements privés qui sont encore sérieux pour la plupart, les médias et leur manière outrancière de galvauder le sujet...

Le plus intéressant dans tout cela étant sans doute la présence du " rapport Pentacle ", que Vallée retrouve dans des archives que Hynek avait laissées s’agglutiner sans espoir d’y mettre de l’ordre...

Il faut aussi noter l’excellente édition française de ce livre, qu’on doit aux éditions O.P. (Observatoire des Parasciences), qui éditent aussi la revue Anomalies, dirigée par Yves Bosson et Pierre Lagrange. Même si le travail de Lagrange est très discutable, il faut rendre hommage à cette équipe pour ce superbe volume.

Et aujourd’hui ?

Voici comment Vallée termine son Journal :

" Il y a longtemps que des amis bien informés de conseillent de me retirer à nouveau dans les coulisses. J’ai l’intention de les écouter. Je ne peux pas justifier de rester associé à l’ufologie telle qu’elle se présente au public aujourd’hui. D’ailleurs, je soupçonne que le phénomène offre à nos yeux une structure fort différente dès que l’on abandonne les sentiers battus et les faux débats qui cachent ou défigurent les questions "recherchables". "

Remarquons que Vallée n’est pas le seul chercheur sérieux à choisir cette attitude de repli et de travail " en coulisses ", ce qui est évidemment bien dommage : la scène ufologique est ainsi laissée aux pires amateurs, qui marchent dans tous les pièges, et s’attachent aux théories les plus fantasques au détriment d’une recherche raisonnée et scientifique...

Voilà pour ce tour d’horizon du parcours de Jacques Vallée.

Voyons maintenant de plus près quelques uns des éléments que Vallée a développé tout au long de sa carrière...

 

II - Quelques pièces et outils versés au dossier OVNI...

 

1 - La classification Vallée

Depuis les années 60, époque de sa collaboration avec Allen Hynek qui était alors le conseiller scientifique du projet Blue Book, Vallée a rassemblé des milliers de témoignages sur les ovnis, issus de tous pays. Ce nombre peut paraître trop généreux, mais il ne faut pas oublier qu’il a pu inclure dans son travail beaucoup de témoignages préalablement centralisés par l’armée américaine, ainsi que ceux que lui fournissaient ses correspondants un peu partout dans le monde. De plus, lorsque le reste des ufologues se battait au sujet du MJ-12 ou de la zone 51, Vallée continuait tranquillement, loin du tumulte, à collecter de nouvelles observations.

Mais une fois toutes ces données rassemblées, encore faut-il pouvoir les trier, les classer, avec si possible le plus de rigueur et de maniabilité possible. S’il est astronome de formation, Vallée est informaticien de métier. Il est conscient du formidable outil de recherche que représente l’ordinateur, et les bases de données qu’il permet de créer puis de manipuler...

Vallée a ainsi créé une méthode de classification du phénomène. Elle inclut la catégorie des Rencontres Rapprochées de Hynek, si célèbres, mais insuffisantes. C’est dans son livre Confrontations qu’il expose cette méthode de classification.

Elle comprend 2 parties, le " Type de phénomène " à proprement dit, et le critère de fiabilité " SVP ". Ce dernier est très important, il permet de donner une estimation de l’intérêt de l’observation.

Voyons cela de plus près...

TYPE D’OBSERVATION (voir tableau ci-dessous)

Vallée considère 4 types d’observations :

Anomalie (AN),

Survol (SU),

Manœuvre (MA),

Rencontre Rapprochée (RR).

Pour chacun, 5 sous-groupes différents :

1-Observations simples,

2-Effets physiques,

3-Créatures vivantes,

4-Transformation de réalité,

5-Traumatisme.

"Tableau de la Classification Vallée (tiré du livre Confrontations,éditions J'ai Lu, 1992)"

Ce classement permet de considérer 20 types différents d’événements, allant du plus basique, AN1 (une simple lumière anormale dans le ciel) au plus impressionnant, RR5 (guérison miraculeuse ou au contraire mort à la suite de l’observation de l’ovni).

Notez que les catégories AN3 et AN4 permettent de prendre en compte une observation où n’apparaît pas un ovni, mais simplement une créature anormale (cas des observations de Varghina au Brésil en 1995), et pouvant altérer la réalité du témoin.

ÉCHELLE DE FIABILITÉ SVP

Ces trois lettres désignent les mots Source (de l’observation), Visite (du lieu de l’observation) et Possibilité (d’une explication naturelle).

À chacune des lettres est associé un coefficient de fiabilité allant de 0 (nul) à 4 (excellent). Ce qui donne en fin de compte une " note " pour l’observation considérée, allant de 000 (sans intérêt) à 444 (Bingo ! Cas très sérieux !).

Voici l’échelle détaillée pour chaque critère.

S = Source :

S0 = Source inconnue, invérifiable

S1 = Source connue mais dont on ne peut estimer le degré de fiabilité

S2 = Source digne de foi mais de seconde main

S3 = Source digne de foi et de première main

S4 = Interview directe du témoin, recueillie par un enquêteur compétent

V = Visite (du lieu de l'observation) :

V0 = Pas de visite du site

V1 = Visite par une personne non spécialisée

V2 = Visite par une personne familiarisée avec le phénomène

V3 = Visite par une personne spécialisée en "ufologie"

V4 = visite par un enquêteur chevronné qui a fait une enquête

approfondie sur les lieux

P = Possibilité (d'une explication naturelle) :

P0 = Les données concordent avec une explication naturelle

P1 = une explication naturelle peut être appliquée si l'on modifie légèrement les données originales

P2 = Il faudrait modifier excessivement un des paramètres pour trouver une explication naturelle

P3 = Il faudrait modifier plusieurs paramètres pour trouver une explication naturelle

P4 = L'évidence fournie ne permet pas de conclure à une explication naturelle

Évidemment Vallée a appliqué cette méthode de classification pour ses dossiers. Il donne dans Confrontations une longue liste de cas ainsi traités. La méthode semble porter ses fruits puisqu’il pourra en tirer plusieurs courbes, dont une qui permet de conclure que les cas de Rencontre Rapprochée se déroulent principalement en soirée (21h-23h), puis juste avant l’aube (vers 5h du matin). Ces résultats sont confirmés par les travaux d’autres chercheurs (Poher, Randles...) qui aboutirent à la même conclusion, quelle que soit la " vague " considérée.

Je ne peux qu’encourager le lecteur à lire de lui-même l’exposé de cette méthode de classification par Vallée dans Confrontations, qui constitue un modèle du genre pour toute enquête sur le terrain puis traitement des données collectées.

2 - Les sept pièges du faux raisonnement

Dans Révélations, Vallée explique le mécanisme de 7 pièges de faux raisonnement, qui finissent par faire croire à tout et à n’importe quoi, au-delà de toute attitude rationnelle et critique, comme il le constata autour de lui lorsque les faux documents du MJ-12 par exemple commencèrent à circuler.

Voici, résumés, ces 7 pièges :

Piège numéro 1 : la transitivité de l’étrangeté

" Nous sommes tous enclins à commettre cette erreur qui se développe comme suit : quelqu’un fait une déclaration très étrange que j’appellerai (A). (A) pourrait être par exemple l’affirmation "Je suis en contact avec une civilisation extraterrestre." Quand on demande à cette personne d’en apporter la preuve, elle fait une seconde déclaration que l’on appellera (B). Par exemple : "Ils m’ont donné le pouvoir de tordre cette petite cuiller par le simple fait d’y penser." "

La personne en fait alors la démonstration, bluffant les observateurs en tordant réellement la petite cuiller en question.

" L’esprit humain, prompt à tirer des conclusions hâtives, a établi une transition (B est vrai, il a été énoncé dans le contexte de A, donc A doit être vrai), qui est complètement injustifiée. "

Piège numéro 2 : l’effet d’engrenage

" Cette illusion particulière a été mise en lumière par un sceptique qui a remarqué que la plupart des passionnés de phénomènes paranormaux ne reviennent jamais à des croyances ordinaires après avoir été convaincus de la réalité d’un fait surnaturel, même s’il est prouvé par la suite qu’il était totalement faux. (...) Cette illusion n’est pas limitée aux ufologues. Si l’on parvient à convaincre quelqu’un d’acheter une seule fois un billet de loterie en lui faisant miroiter la perspective de gagner un million de dollars, il continuera probablement à acheter des billets, même s’il ne fait que perdre : il serait trop pénible de renoncer à l’illusion de pouvoir gagner un million la semaine suivante, d’autant plus que les pertes (considérées désormais comme des "investissements") continuent de s’accroître. "

Piège numéro 3 : le séquançage des aberrations

" Cette illusion est de nature émotionnelle et, de ce fait, elle est encore plus dévastatrice que les deux premières. Elle montre que la plupart des enquêteurs sur le phénomène, lorsqu’ils ont été dupés une fois, continueront d’être fascinés par les "révélations" successives, même en sachant pertinemment qu’elles sont fausses. "

Ainsi, un mystérieux informateur vous prévient qu’une soucoupe va atterrir en tel lieu à telle date. En enquêteur consciencieux, vous êtes au rendez-vous. Mais il ne se passe rien, aucune soucoupe à l’horizon... (la mésaventure est arrivée à Vallée lui-même !)

Malgré tout... " ce correspondant est maintenant devenu pour vous une source d’aventures excitantes et de renseignements confidentiels. Vous craignez, en le contrariant, d’être privé de ces renseignements. De nombreux ufologues tirent une curieuse forme de satisfaction et un sentiment de puissance personnelle de ces sources bidons dont les informations sont toutes mensongères ! Peu importe si le mystérieux individu se trompe à chaque fois, du moment qu’il continue de fournir de bonnes histoires qui répondent à vos espérances. "

Piège numéro 4 : l’attrait du matériel

" J’ai remarqué que des chercheurs expérimentés, des gens qui, pendant des années, avaient patiemment étudié des phénomènes paranormaux et les effets qui s’y rapportent, pouvaient basculer totalement, en quelques heures, en écoutant des interviews enregistrées de farceurs comme Faucon et Condor. Un jour, à San Fransisco, tout le gratin de la recherche parapsychologique californienne écouta ainsi une conférence du célèbre Arthur Young (...). (Il) présenta une bande vidéo renfermant des révélations sur les prétendus extraterrestres et leurs bases secrètes de la Zone 51. La majorité des participants quittèrent la salle convaincus que des preuves décisives étaient enfin à portée de main. (...)

Il va sans dire qu’il n’en était rien. Tout ce que nous avions était une bande montrant "Dennis", un inconnu sympathique, en train de faire des déclarations farfelues. (...)

Quelle ironie de voir une pleine salle de "lumières" psychiques se laisser embobiner par une histoire de soucoupe écrasée, pour cette seule raison qu’enfin il y a "quelque chose de tangible". "

Bref, le 4ème piège, c’est celui de la preuve matérielle toujours annoncée pour dans très peu de temps...

Piège numéro 5 : l’illusion de la noix de coco

Un ami intéressé par la parapsychologie raconte à Vallée une histoire qui lui est arrivée...

" On m’avait dit que si je me rendais dans un monastère, à 2 heures de route de Bénarès, j’y trouverais un saint homme ayant le pouvoir de faire apparaître un objet à l’intérieur d’une noix de coco que je tiendrais dans la main. Ils ne s’attendaient pas à ce que je le fasse. Mais, avec l’obstination d’un scientifique américain, je me rendis immédiatement au marché local pour y acheter une noix de coco : je me fis conduire dans le monastère situé à deux heures de Bénarès où je trouvai des moines qui me conduisirent vers un homme d’une grande sainteté qui méditait dans sa cellule étouffante et poussiéreuse. Il m’assura qu’il était en mesure de faire apparaître un objet à l’intérieur de la noix de coco par le seul pouvoir de son esprit, mais me demanda ce qui me permettait de penser que j’étais capable de tenir la noix de coco. "

En ufologie, si le gouvernement affirme qu’il détient des soucoupes dans un hangar qui doit rester secret et auquel aucun enquêteur ne pourrait prétendre accéder, alors nous somme dans la même situation : affirmation totalement invérifiable, on devrait faire aveuglément confiance...

Piège numéro 6 : la fusion des mystères

" Quand deux événements étranges (A) et (B) se produisent dans un intervalle de temps et d’espace rapproché, il est naturel pour l’esprit humain de les unir en un seul mystère. C’est souvent une grave erreur. Le fait que des citoyens dignes de foi aient vu d’étranges objets volants au-dessus de Groom Lake (événement A), ne confirme en aucune manière les affirmations de John Lear selon lesquelles il existe des hangars abritant des disques (événement B) sur la base aérienne de Nellis. Et même si ces disques existaient, rien ne prouve qu’ils soient liés au mystère des ovnis.

On trouve le même défaut dans les déclarations publiées sur le cas de Roswell (...). Tout ce que nous savons, c’est que quelque chose s’est écrasé sur un ranch (événement A) et que l’affaire a été étouffée par l’armée de l’air, qui utilisa l’explication ridicule du ballon-sonde pour nier les faits. Les débris ne semblaient par provenir d’un objet discoïdal et il n’y avait pas de cadavres.

En revanche, un disque et des corps auraient été découverts à plusieurs kilomètres de là presque une semaine plus tard (événement B). Où se trouve le lien logique entre ces deux événements et pourquoi les ufologues amalgament-ils automatiquement ces deux événements pour en faire "l’incident de Roswell" ? "

Piège numéro 7 : l’amplification du secret

" Ceux qui adhèrent à la théorie extraterrestre brandissent souvent à la télévision des documents gouvernementaux abondamment censurés, pour prouver qu’ils sont dans le vrai. Le public adore le scandale, et ces hommes tirent un grand prestige et une influence accrue à soutenir la thèse que les agences gouvernementales essaient à tout prix de dissimuler les faits.

En réalité la censure peut provenir d’une grande variété de raisons fort banales, allant de la nécessité évidente de protéger les nouvelles découvertes techniques à la pure stupidité bureaucratique. Quand la censure est levée, le texte censuré se révèle souvent être de nature purement technique. Les ufologues ont tout simplement magnifié la nature et le sens du secret. "

Vallée conclut ainsi son exposé des 7 pièges :

" Le fait même que les militaires américains fassent en secret leurs propres recherches, interrogeant des témoins et menant de discrètes analyses en laboratoire, montre combien ils en savent peu sur le sujet, et non le contraire ! (...)

Serait-il nécessaire de mener des expériences clandestines, de surveiller des groupes de recherche civils, ou encore de financer par des moyens douteux les recherches de certains ufologues, si l’armée de l’air avait déjà des soucoupes volantes dans ses hangars et des petits extraterrestres sous le scalpel de ses chirurgiens ? Tout indique une conclusion évidente : l’attente de visiteurs venant du ciel est systématiquement encouragée et exploitée par divers groupes, parce qu’elle sert leur propre dessein. "

 

3 - Ummite-moi un extraterrestre

Comme beaucoup d’autres chercheurs, Vallée a reçu chez lui des lettres Ummites. La première, envoyée de New York, était même sur-timbrée à 10 dollars ! On était pressé de rentrer en contact avec lui ! Mais Vallée est toujours resté très critique envers le dossier " U ".

À la lecture de ses critiques, notamment dans Révélations où il consacre tout un chapitre au dossier, on ne peut s’empêcher de constater quelques lacunes, et l’on a la désagréable impression qu’il n’a pas étudié sérieusement le sujet...

Ainsi, voici un de ses arguments pour démonter l’histoire ummite :

" Dans un de ses documents les plus curieux, la source Ummo déclare que le tout premier atterrissage d’un de ses engins eut lieu le 24 avril 1950 près de La Javie, dans les Alpes françaises. Un équipage aurait établi une base temporaire dans une caverne et aurait ensuite effectué un certain nombre d’incursions dans les environs. (...)

En 1974, je me rendis à La Javie avec deux enquêteurs français, Aimé Michel et Fernand Lagarde (...). Nous parlâmes aux habitants d’un hameau accroché au flanc de la montagne, où la route s’arrêtait. Ils n’avaient jamais entendu parler de cavernes dans la région. De plus, la géologie de l’endroit semblait peu propice à la formation de cavités naturelles. "

Vallée semble croire que les Ummites se sont cachés dans une grotte naturelle, ce qui ne colle pas avec la nature du terrain... Mais ce n’est pas du tout ce qu’explique la lettre dont il parle !

Voici ce que précise la lettre en question :

" Peu après sortaient (des nefs ummites) les six expéditionnaires accompagnés de 20 membres de l'équipage. Il était nécessaire de commencer les travaux d'une construction souterraine d'urgence. (...)

Il était nécessaire de réaliser la perforation en fondant à grande température des grés et des calcaires. la haute composition silicieuse du sol provoqua au début un sérieux problème qui fut rapidement résolu. Les matériaux ainsi fondus furent transmutés en un isotope d'azote. De cette façon, à l'extérieur n'apparaissaient pas des tas de terre qui auraient révélé notre présence à d'éventuels observateurs humains terrestres. L'on travailla toute la nuit jusqu'à 7 heures. Peu avant l'aube nos EUWA se déplacèrent dans un petit bois d'étranges arbres à feuilles filamenteuses identifiés après sous le nom terrestre de "PINUS MONTANA".

La galerie ouverte dans le sous-sol d'une longueur de 4 mètres, à une profondeur de 8 mètres et étayée avec des IGAAYUU (sortes de CINTRES extensibles modulaires d'un alliage de Magnésium très léger), se maintenait à une température très élevée (quelques 500 degrés) bien que la fusion au moyen d'un processus énergétique nucléaire des produits ou des composés du sous-sol s'accompagne ensuite d'un refroidissement très rapide. De plus il était nécessaire de résoudre le problème de la condensation de vapeur d'eau sous forme de petits nuages qui en se décrochant de la galerie en une haute colonne pouvaient révéler notre présence. Il fut nécessaire d'obturer la bouche du tunnel ou galerie avec une plaque de plastique et de recueillir aussi par aspiration les fumées décrochées à partir de la combustion des substances organiques du sol ".

Vallée a-t-il bien lu cette lettre ? En tout cas son argument se base sur une grossière erreur de lecture... Il a sans doute dû uniquement parcourir la lettre, sans y prêter vraiment attention, voire n’en a eu qu’un rapide résumé entaché d’erreurs, ce qui laisse planer un sérieux doute sur le bien fondé de son opinion au sujet des Ummites...

Malgré cette largesse, au moins une de ses critiques est recevable. On a souvent lu que les lettres Ummites étaient tellement riches, variées et nombreuses qu’un seul homme, voire même un petit groupe, n’aurait pu toutes les écrire, depuis tant de dizaines d’années. Il lui aurait fallu une imagination et des connaissances tout à fait fabuleuses.

Faux, répond Vallée. On connaît au moins un cas tout à fait exceptionnel : un homme, Kirk Allen, brillant savant américain travaillant pour le gouvernement, avait été étudié par le psychiatre Robert Lindner, lequel raconte l’histoire de Allen dans son livre L’heure de cinquante minutes.

Il est clair, à la lecture de l’exposé du cas par Vallée dans Révélations, qu’il reprend en grande partie, presque mot pour mot, un article paru dans la revue française Planète en 1963. Il s’agit d’un extrait du livre, intitulé Le fabuleux voyage d’un atomiste, paru dans le 9ème numéro (p.123 à 135). Bizarrement, Vallée ne cite pas une seule fois sa source, et pourtant il emprunte énormément à l’article en question.

En tout cas, l’histoire de Kirk Allen laisse rêveur...

Ce brillant physicien croyait passer une partie de son temps sur une autre planète, Seraneb, sur laquelle il pouvait se rendre à volonté par la simple pensée. Comme il passe de plus en plus de temps à rédiger des mémoires et des études sur cette planète, son travail s’en ressent et c’est ainsi que Lindner est contacté par des collègues s’inquiétant de l’importance grandissante de ses " voyages "... En traitant Allen, Lindner se prend à son tour de passion pour la planète Seraneb et découvre les textes rédigés par son patient, qui comprennent :

- 100 pages de dictionnaire

- 82 cartes minutieuses en couleurs et à l’échelle

- 161 études sur la géologie et l’architecture

- 12 tableaux généalogiques rigoureux

- 18 pages de description du système galactique auquel appartient Seraneb, avec 9 cartes d’étoiles

- 200 pages d’une histoire de l’Empire dirigé par Allen

- 44 brochures de 2 à 20 pages chacune traitant avec beaucoup de rigueur scientifique d’aspects particuliers de la vie sur Seraneb, tels que " Application de la théorie du Champ Unifié à la propulsion hyperphonique ", " Métabiologie des habitants des Vallées ", " Culte du Feu et sacrifices rituels sur Srom Sodrat II ", ou encore " La sexualité chez les Crystopèdes "...

Après quelques mois de travail commun entre le patient et son psychiatre, Allen avoue un jour à Lindner qu’il ne croit plus à toutes ces histoires, et qu’il se considère désormais comme guéri... Lindner le laisse partir, mais avoue dans son livre qu’il eût l’impression que Allen voulait se débarrasser de lui.

L’article de Planète se termine ainsi :

" Je n’ai pas vu Allen depuis des années, mais je pense souvent à lui et aux jours où nous parcourions ensemble les galaxies. Son image revient me hanter, certaines nuits d’été, sur Long Island, quand le ciel, recouvrant Peconic Bay, est tout frémissant d’étoiles. Et parfois, levant les yeux, je me murmure en souriant : "Comment vont les crystopèdes ?" "

Et Vallée termine ainsi son chapitre sur les Ummites :

" Au cours des longues nuits d’été de Long Island, quand le ciel est constellé d’étoiles, il arrive encore au docteur Lindner de lever la tête et de murmurer en souriant : " "Comment vont les crystopèdes ? Que se passe-t-il à Seraneb ?"

De même, je suis parfois tenté de me demander :  "La paix règne-t-elle sur le système planétaire d’Iumma ? Les Ummites sont-ils entièrement satisfaits de la fonction transcendantale d’Oemii ?" "

Que peut-on en conclure ? Certains n’hésiteront pas à avancer le fait qu’on a tiré des textes Ummites quelques idées scientifiques très intéressantes, ce qui est loin d’être le cas pour les textes de Seraneb... Oui mais, encore eut-il fallu qu’un scientifique de bon niveau se penche, par exemple, sur l’Application de la théorie du Champ Unifié à la propulsion hyperphonique, ce qui n’a jamais été fait...

Imaginons que Kirk Allen, peut-être avec la complicité de quelques amis, se mette à envoyer par vois postale ses rapports et mémoires sur Seraneb à des ufologues... Belle concurrence pour les Ummites !

 

4 - Cinq arguments contre l’origine extraterrestre des OVNI

C’est le titre que donne Vallée à un article d’abord publié en anglais dans le Journal of scientific exploration, puis repris en annexe à la fin de Révélations.

Vallée explique :

" ...les données accumulées tendent à montrer, de diverses manières, que les ovnis existent bel et bien, qu’ils relèvent d’un phénomène précédemment non reconnu, et que les faits ne corroborent guère l’hypothèse de "visiteurs de l’espace", tels qu’on les conçoit généralement. "

Puis il expose ses 5 arguments. À vous de vous faire votre opinion...

Argument 1 :

Les rencontres rapprochées sont beaucoup plus nombreuses que ne l’exigerait toute exploration physique de notre planète.

Argument 2 :

La morphologie humanoïde des prétendus " visiteurs " a peu de chances d’être apparue sur une autre planète, et d’un point de vue biologique, elle est mal adaptée au voyage dans l’espace.

Argument 3 :

Le comportement rapporté dans des milliers de récits d’enlèvements est en contradiction avec l’hypothèse d’expérimentations génétiques ou scientifiques menées sur des humains par une race plus avancée.

Argument 4 :

La présence du phénomène tout au long de notre histoire prouve que les ovnis ne constituent pas une manifestation propre à notre époque.


Argument 5 :

L’apparente aptitude des ovnis à manipuler l’espace et le temps suggère des hypothèses radicalement différentes et plus riches. (ces hypothèses sont : des lumières sismiques (travaux de Derr et Persinger), un " système de contrôle " naturel (Vallée) et les " trous de vers ", c’est-à-dire l’hypothèse de voyageurs temporels (Randles)...)

Tout au long de son article Vallée développe ces 5 arguments. Remarquons que les 2ème et 4ème arguments sont pour le moins discutables et semblent partir d’une simple opinion de l’auteur (notamment, en quoi la présence du phénomène dans les siècles passés invalide-t-elle l’hypothèse extraterrestre ?).

***

Conclusion

Ce résumé du travail de Jacques Vallée est donc terminé. J’espère avoir pu montrer que ce travail est essentiel pour toute personne s’intéressant sérieusement au phénomène OVNI. On peut évidemment discuter plusieurs conclusions de Vallée. On a vu qu’il semble avoir traité avec beaucoup de légèreté le dossier des Ummites par exemple, ce qui peut laisser planer des doutes sur le reste de ses recherches.

Malgré tout son travail force le respect par son ampleur et sa richesse.

On l’a parfois catalogué à tort dans la catégorie " sceptiques ", parce qu’il est toujours resté méfiant envers certains dossiers. On se rend compte avec le recul qu’il n’avait peut-être pas tord...

Il fut tout de même l’un des premiers à s’inquiéter de la montée en puissance des cultes voués aux Visiteurs, à prévenir la communauté ufologique contre les manœuvres de debunking de certains gouvernements, et à insister sur l’aspect psychologique et culturel du phénomène OVNI à travers les siècles...

 

Bibliographie

Le signe * indique une édition chez J’ai Lu en livre de poche, dans la collection bien connue " Aventure mystérieuse ".

- Anatomy of a phenomenon : unidentified objects in space - A scientific apraisal, éd. Ace, 1965

(non traduit en français à ce jour)

- Les phénomènes insolites de l’espace (en collaboration avec Janine Vallée), éd. La Table Ronde, 1966

- Passport to Magonia - from folklore to flying saucers, éd. Henry Regnery, 1969

(Chroniques des apparitions extraterrestres, Denoël, 1972)*

- The Edge of reality - A progress report on ufo (en collaboration avec Allen Hynek), éd. Henry Regnery, 1975

(Aux limites de la réalité, Albin Michel, 1978)*

- The Invisible college - What a group of scientists has discovered about UFO influences on the human race éd. E. P. Dutton, 1975

(Le Collège invisible, Albin Michel, 1975)*

- Messengers of deception - UFO contacts and cults, éd. And/Or, 1979

(OVNI : la grande manipulation, Le Rocher, 1983)*

- Dimensions - a casebook of alien contacts, éd. Contemporary, 1988

(Autres dimensions : chronique des contacts avec un autre monde, Robert Laffont, 1989)*

- Confrontations - a scientist’s search of alien contact, Ballantine, 1990

(Confrontations - Un scientifique à la recherche du contact avec un autre monde, Robert Laffont, 1991)*

- Revelations - alien contact ans human deception, Ballantine, 1991

(Révélations - Contact avec un autre monde ou manipulation humaine ?, Robert Laffont, 1992)*

- UFO chronicles of the Soviet Union : a cosmic samizdat (en collaboration avec Martine Castello), Ballantine, 1992

(non traduit en français à ce jour)

- Forbidden science - Journals 1957-1969, North Atlantic, 1992

(Science interdite - Journal 1957-1969, O.P. Éditions, 1997)

 

Romans :

- Le Sub-espace, (sous le pseudonyme de Jérome Sériel) Hachette, 1961

- Le Satellite sombre (sous le pseudonyme de Jérome Sériel) Denoël, 1962

- Alintel - La première enquête du professeur Lesage, Mercure de France, 1986

- La mémoire de Markov - Une enquête de Pierre Lesage, Mercure de France, 1986

 


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