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Une approche de la "théorie réductionniste des ovnis"
Claude MAUGE
Probablement de tout temps, les humains ont regardé le ciel et
y ont vu des choses bizarres. Beaucoup d'entre elles ont peu à peu été acceptées
comme faisant partie de l'ordre naturel, puis expliquées en termes cohérents ;
mais certaines nous paraissent encore difficilement compréhensibles voire sont
déclarées « impossibles » par diverses personnes, ou bien sont considérées par
d'autres comme nécessairement liées à une cause radicalement étrangère à la
nature et à la Terre.
Pour la période contemporaine, c'est l'observation
d'un pilote privé, Kenneth Arnold, le 24.06.1947 dans la région du Mont Rainier
(Etat de Washington, U.S.A.), qui déclenche chez les autorités, dans les médias
et dans le grand public, la prise de conscience de ce qu'on appellera plus tard
le «phénomène ovni ». En ce début de guerre froide, les militaires et les
services de renseignement américains se demandent d'abord si les soviétiques
n'étaient pas en cause ; mais ils se convainquent rapidement du contraire. Dès
lors, les commissions officielles s'endorment à moitié ou se réveillent en
fonction de la pression du public et des responsables politiques, elle-même liée
au nombre d'observations révélées par les médias et à l'activité des groupements
privés d'étude des ovnis, dont les premiers naissent au début des années
1950.
Toute l'histoire du phénomène est un jeu complexe d'interactions
entre les différents acteurs, les ovnis eux-mêmes (quoiqu'ils soient), les
témoins, le public général, les médias, les autorités politiques et militaires,
les scientifiques, et les ufologues (spécialistes, le plus souvent
autoproclamés, des ovnis). Il n'est pas question de développer ici cette
histoire, fort embrouillée ; ni d'étudier les caractéristiques des ovnis (ou,
plus exactement, les caractéristiques qu'on leur attribue), très diverses ; ni
non plus de présenter leurs causes possibles (ce que le jargon ufologique
appelle souvent les différentes hypothèses souvent des convictions
sur l'origine des ovnis), très nombreuses. Le visiteur de ce Site a d'ailleurs
vraisemblablement déjà quelques connaissances sur ces questions. Si ce n'était
pas le cas, il pourra se reporter aux quelques ouvrages généralistes valables
indiqués en note (1), la plupart assez anciens (les titres récents portent
souvent sur des aspects plus restreints ou ne sont guère
recommandables).
Nous tenterons ici de montrer, non pas que les ovnis
n'existent pas, ni même qu'ils n'existent probablement pas, mais que tout ce que
nous savons du phénomène peut parfaitement s'expliquer en supposant que les
ovnis n'existent pas. Ou, en d'autres termes, que ce que ce que l'on appelle
souvent en France l'« hypothèse socio-psychologique » des ovnis semble bien
pouvoir rendre compte de l'ensemble des données. Afin de ne pas trop alourdir ce
texte, nous ne donnerons qu'un nombre limité de références ou de détails sur les
divers cas mentionnés, en renvoyant pour plus de précisions aux quelques
ouvrages mentionnés en notes (1) à (6).
2.1 Le terme « ovni »,
désormais considéré comme un nom commun par les dictionnaires, est en fait
l'acronyme de Objet Volant Non Identifié une traduction directe de
l'anglais Unidentified Flying Object (UFO), lequel a donné chez nous les dérivés
ufologie (étude des ovnis), ufologue, ufologique. Nos amis québécois préfèrent
parler quant à eux d'ovnilogie (ou ovniologie), qui ne semble pas avoir eu
beaucoup de succès de ce côté-ci de l'Atlantique.
Les termes « objet », «
volant », « non identifié » mériteraient en toute rigueur une analyse sérieuse,
nous en ferons toutefois l'économie ici. Il convient par contre de différencier
les différents concepts que recouvre le mot « ovni ». Si le contexte l'exige,
nous utiliserons donc les expressions plus précises
suivantes.
- pré-ovni
: tout stimulus (objet ou phénomène), objectif ou non, que
le témoin ou toute autre personne étiquette comme « ovni » au sens vulgaire. Il
peut donc s'agir d'une authentique soucoupe volante extraterrestre, d'une
hallucination, d'une mésinterprétation sincère, d'un cas inventé par le « témoin
» ou par un ufologue, etc. Bien qu'il soit difficile de donner des chiffres
définitifs, différentes estimations du nombre de pré-ovnis répertoriés depuis
1947 donnent des valeurs dépassant le million, parfois quelques dizaines de
millions selon certains auteurs (voir par exemple les références 3 ;
4a).
- quasi-ovni : le stimulus à la base de toute observation qui demeure inexpliquée par
les « experts compétents » qui auraient été capables de l'expliquer si elle
avait été « banale ».
-
vrai-ovni : le stimulus à la base de toute
observation fondamentalement inexplicable dans le cadre scientifique actuel, et
qui exigerait donc un bouleversement radical de la science ou de notre vision du
monde. Ce pourrait être par exemple un engin extraterrestre ou un phénomène
parapsychologique. Rien ne permet d'affirmer de façon « universellement
convaincante » que de tels vrais-ovnis existent, ou inversement n'existent pas,
mais la possibilité de cette existence doit demeurer ouverte a priori (sinon,
c'est que l'on estime le problème résolu).
- faux-ovni (ou ovi : objet volant identifié) :
pré-ovni identifié (ou probablement identifié) en termes conventionnels
(mésinterprétation d'un objet connu, cause psychologique,
mystification).
2.2 Par ailleurs, de nombreuses observations associent la présence d'êtres
à celle des ovnis. Divers termes sont utilisés pour les désigner, comme entité,
humanoïde (en référence à leur forme habituelle), extraterrestre, alien (certes
d'origine anglaise mais moins restrictif que le précédent). Sans nous interdire
leur usage, le mot « officiel » retenu ici sera
ufonaute.
2.3 Bien qu'il n'existe pas de classification réellement
satisfaisante des différentes sortes d'observations, nous utiliserons à
l'occasion pour sa simplicité et sa commodité une typologie basée sur celle de
J. Allen Hynek, un astronome sceptique qui avait été le consultant de l'étude
officielle des ovnis par l'U.S. Air Force avant de devenir peu à peu un partisan
(raisonnablement sérieux) des ovnis :
Lumière Nocturne (LN) : observation de
nuit à distance (plus de 150 m) ;
Disque Diurne (DD) : observation d'un
objet, le jour et à distance ;
Radar Optique (RO) : observation radar et
visuelle simultanément ;
Rencontre Rapprochée du 1er Type (RR1) : observation
proche (moins de 150 m), simple ;
Rencontre Rapprochée du 2ème Type (RR2) :
idem, avec effet physique sur l'environnement ou le témoin ;
Rencontre
Rapprochée du 3ème Type (RR3) : comme RR1, mais avec présence d'ufonaute
;
Rencontre Rapprochée du 4ème Type (RR4) : enlèvement à bord de l'ovni
;
Contact : rencontre directe avec des ufonautes ou communication à distance,
avec message transmis au contacté, concernant essentiellement l'avenir de
l'humanité ou de la Terre ;
Crash : découverte d'une soucoupe volante
écrasée, parfois avec cadavre d'ufonaute. (Les deux dernières catégories
n'étaient pas admises par Hynek, et la précédente était intégrée dans les
RR3).
2.4 Les
ufologues de toutes tendances utilisent trop fréquemment des termes connotés
péjorativement pour désigner les « collègues » ne partageant pas leurs propres
vues, comme ufophobe, «debunker », « socio-psycho » chez les tenants des ovnis
pour désigner ceux qui ne croient pas à l'existence des vrais-ovnis, ou ufomane,
croyant dans la situation contraire. A nouveau sans nous imposer un usage
systématique, nous parlerons de partisan pour les tenants de l'existence
des ovnis et d'opposant pour ceux qui penchent pour leur inexistence
(ceci en traduction des termes anglais proponent/opponent, qui ne véhiculent a
priori pas de sens de valeur).
2.5
Bien que les partisans puissent avoir des idées très
différentes sur l'origine des ovnis, la majorité défendent l'hypothèse
extraterrestre (souvent abrégé en HET) : c'est celle que nous utiliserons
s'il nous faut opposer une théorie des ovnis à l'hypothèse socio-psychologique.
Cette dernière expression semble toutefois impliquer que tous les cas d'ovnis
allégués relèvent exclusivement de processus psychologiques ou sociologiques en
un sens fort. Comme ceci n'est pas toujours nécessaire, je préfère quant à moi,
en attendant mieux, parler d'hypothèse réductionniste composite ou même de
théorie réductionniste composite (TRC) : car il s'agit d'une théorie
cohérente prétendant réduire l'ensemble des cas de pré-ovnis à un ensemble
composite de causes conventionnelles.
2.6 La TRC est a priori légitime (ce qui ne veut
pas forcément dire juste c'est en fait ce qu'il faudrait établir), car ses
« démolitions » prétendues sont caricaturales ou au mieux très partielles. En
particulier, certains ont cru démontrer successivement que les quasi-ovnis ne
peuvent pas être des engins secrets, des phénomènes naturels, des expériences de
type hallucinatoire. Séparément, tout ceci est vrai : tous les quasi-ovnis ne
sont pas des engins secrets, etc. La TRC, elle, envisage ensemble toutes ces
causes possibles, ce qui est bien différent que de les considérer l'une après
l'autre. De plus, la TRC présente l'avantage d'être économique puisqu'elle ne
devrait pas exiger des modifications dans le corpus des connaissances actuelles,
ou en tout cas seulement des changements minimes parfaitement intégrables dans
ce corpus.
Fondamentalement, la TRC énonce que tous les cas de
pré-ovnis sont potentiellement explicables en termes conventionnels
et relèvent tous de l'une des causes suivantes. Il faut bien noter que, dans
certains cas, la nature réelle du stimulus peut ne jamais être découverte ; ceci
concerne par exemple des observations anciennes qui n'ont pas été bien enquêtées
à l'époque des faits ou des mystifications habiles dont l'auteur aurait pu
disparaître sans jamais dévoiler la supercherie.
3.1 Des mystifications. Elles
sont relativement peu nombreuses, vraisemblablement de l'ordre de 1% ou au pire
quelques pourcents. Outre des plaisanteries « de bistrot » n'ayant été connues
que localement ou de sérieuses exagérations de journalistes, certaines ont eu un
impact considérable dans les médias voire chez maints ufologues. Rappelons ainsi
pour mémoire le cas du contacté américain George Adamski (20.11.1952 etc.) ;
l'enlèvement allégué de Cergy-Pontoise le 26.11.1979 ; le crash de Roswell au
début juillet 1947, peut-être pas pour l'existence d'un engin (américain) qui se
serait écrasé à l'époque, mais vraisemblablement pour l'interprétation
ufologique de l'affaire, et en tout cas pour ses développements récents
(prétendu film de l'autopsie ; livre du colonel Corso ; faux documents se
rapportant au MJ-12, un groupe ultrasecret qui dicterait la politique du
gouvernement américain) ; ou encore les multiples aventures d'Ed Walters à Gulf
Breeze (Floride) depuis 1987.
3.2
Des méprises simples. Le récit fait par le témoin
est objectif, mais il a simplement étiqueté « ovni » quelque chose qui n'en est
pas. Alternativement, le témoin lui-même ne parle pas d'ovni, c'est
ultérieurement un ami, un journaliste ou un ufologue qui introduit cette notion.
L'origine de la mésinterprétation peut être :
- un objet ou phénomène « banal
» mais pas immédiatement reconnu. On sait ainsi que les causes les plus
fréquentes de méprise sont les étoiles et planètes (Lune comprise) ; des avions,
hélicoptères, et autres aéronefs, qu'il s'agisse d'un avion ordinaire lointain,
d'un avion ou d'un dirigeable portant un message publicitaire lumineux, ou d'une
simulation de combat aérien nocturne ; des rentrées atmosphériques de météores,
de satellites ou de lanceurs spatiaux.
- un objet ou phénomène de même
nature, mais observé dans des conditions particulières pouvant rendre son
identification plus difficile, par exemple à partir d'un véhicule en mouvement,
par un léger brouillard, ou si l'observateur lui-même est indisposé.
- un
objet ou phénomène « conventionnel » mais inconnu du témoin, le plus souvent
parce que moins fréquent. Ce peut être un nuage lenticulaire, un ballon sonde
tétraédrique, un lancement de missile, un nuage artificiel de sodium ou de
baryum largué dans la haute atmosphère afin d'étudier celle-ci,
etc.
3.3 Des erreurs impliquant
des processus psychologiques plus complexes (le terme «
psychologique » est à prendre dans un sens assez large, incluant entre autres
certains processus d'origine physiologique).
a) illusions d'optique simples, comme la
vision d'un satellite semblant avancer en zigzag dans le ciel étoilé par suite
de l'effet autocinétique (dû aux saccades de l'oeil), ou la banale illusion de
la lune à l'horizon (où notre satellite est perçu comme plus gros qu'au zénith),
pour laquelle on n'a toujours pas d'explication définitive malgré de récentes
avancées.
b) processus de «
transposition », avec deux
étapes (ceci est tiré d'un texte de Paolo Toselli (7) qui mérite largement la
lecture). Dans la « transformation projective », le témoin attribue à l'objet
observé des qualités ou des comportements qu'il puise dans sa « connaissance
consciente ou inconsciente du phénomène OVNI ». On pourrait s'étonner d'une
telle connaissance inconsciente, mais même des personnes non intéressées par les
ovnis peuvent avoir lu en diagonale un article sur la question dans la salle
d'attente de leur médecin ou vu à l'occasion un documentaire télévisé voire un
téléfilm « réaliste ». A un degré supérieur, c'est l'« élaboration projective »,
avec une « augmentation considérable des éléments subjectifs », où l'observateur
confère au stimulus non reconnu « outre les 'constantes' des OVNI, des
'capacités' d'interférence physique avec l'environnement ». Toselli cite ainsi
la poursuite d'automobilistes sur 10 km dans la région d'Amiens le 03.10.1954
par une boule écarlate volant en rase-mottes à 150 m du véhicule et piquant sur
elle à un moment, s'arrêtant quand les témoins stoppent, tournant en spirale et
changeant de forme avant de s'éloigner à grande vitesse dans le ciel : il
s'agissait en fait de la Lune.
c)
expériences en états modifiés de conscience,
c'est-à-dire hors de l'état normal de veille. On peut mentionner ainsi les assez
nombreuses « hallucinations » d'automobilistes fatigués par un long trajet,
surtout nocturne ; ou encore les visions hypnagogiques ou hypnopompiques (lors
de phases d'endormissement ou de réveil). Ces dernières en particulier semblent
pouvoir expliquer un nombre important d'enlèvements « simples » : sujet endormi
dans sa chambre, sensation de lumière et de présence, vision d'entités,
paralysie du sujet, impossibilité de réveiller le conjoint, impression de
léviter ou d'expérience de hors-corps,
d) expériences psychopathologiques. De tels
cas existent indubitablement, ne serait-ce que pour de simples considérations
statistiques, mais ils ne dépassent vraisemblablement pas 1 % des incidents
ovni. C'est par exemple l'enlèvement de H. Turner aux U.S.A. le 28.08.1979 (2),
ou en France le cas dit du « légionnaire » (« expérience confuso-onirique et
anxieuse s'apparentant au dreamy-state »).
Il convient de remarquer que
contrairement à ce que pensent beaucoup de partisans, interpréter un certain
nombre de manifestations d'ovnis en termes psychologiques voire psychiatriques
n'est en aucune façon stigmatiser les personnes ayant vécu de telles
expériences. Car non seulement l'erreur est humaine, mais elle est parfaitement
banale : tous, nous commettons chaque jour des erreurs de perception, de
mémoire, de logique, de jugement. De même, nous vivons tous des états modifiés
de conscience, généralement sans nous en rendre compte. Et il est probable
qu'une partie importante d'entre nous a eu (ou aura) au moins une fois dans sa
vie une expérience relevant de la psychopathologie sans que cela signifie
aucunement que nous soyons « fous ». Quant aux pathologies mentales plus
lourdes, ce sont après tout des maladies comme les autres, qui ne devraient
nullement entraîner une dévalorisation des patients.
3.4 Des phénomènes géophysiques rares plus ou moins
reconnus, comme la foudre en boule, les lumières
sismiques, ou encore des halos ou couronnes solaires ou lunaires anormaux. On
trouvera de multiples exemples de ces anomalies géophysiques, relativement
fréquents (mais pas entièrement expliqués) ou au contraire rarissimes, dans les
compilations de William R. Corliss (8). Le cas des farfadets, elfes et autres
jets bleus est particulièrement intéressant, puisqu'il concerne des
manifestations lumineuses (de nature électrique) de la haute atmosphère
observées depuis des décennies par des pilotes mais dont l'existence n'a été
admise par les scientifiques que depuis les années 1990 (voir à ce sujet 9 ; 10
p. 172-173) : c'est la démonstration que nous sommes loin de tout connaître sur
notre bonne vieille Terre, y compris en ce qui concerne l'existence même de
phénomènes finalement plutôt banals.
3.5 Des engins ou armes secrets bien humains, ou des opérations (par
exemple spatiales) que l'on veut garder secrètes, pour lesquels les ovnis sont une excellente couverture. Les Etats-Unis
ont ainsi pu trouver leur compte à ce que des vols d'avions espions U2 ou des
lancements de missiles au large des Canaries (22.06.1976, 05.03.1979, et autres
dates) soient confondus avec des ovnis. L'ex-Union Soviétique n'était pas en
reste, avec ses lancements spatiaux des années 1960 ou la « méduse lumineuse »
de Petrozavodsk le 20.09.1976 (lancement d'un satellite espion de la base
secrète de Plesetsk). Quant au fameux « triangle belge », plusieurs types
d'engins pourraient avoir été impliqués, une fois éliminées les méprises
ordinaires. Et en France, il n'est pas impossible que le témoin de la fameuse
RR3 de Valensole le 01.07.1965 ait vu un hélicoptère de la 6ème Flotte
américaine en mission d'espionnage (je tiens cette hypothèse du physicien
renommé qu'était Yves Rocard) ; les autorités auraient alors préféré laisser
parler d'ovni plutôt que de devoir reconnaître une telle incursion sur notre
territoire. Cela paraît d'autant plus plausible qu'un avion espion U.S. était
intercepté deux semaines plus tard au-dessus de l'usine atomique de Pierrelatte
(ce fut une des raisons qui décidèrent le général De Gaulle à quitter l'OTAN).
De telles affaires semblent pouvoir contribuer à expliquer l'attitude certes
très ambiguë des autorités politiques et militaires (nous verrons en 5.5
d'autres raisons possibles).
4.1 Existence de nombreux cas
inexpliqués. Il est hors de doute qu'il existe un
nombre non négligeable de cas apparemment fiables, raisonnablement bien
enquêtés, et au moins en apparence irréductibles à des causes conventionnelles,
en particulier parmi les cas avec effets physiques ou physiologiques durables.
Bien que le nombre de ces quasi-ovnis soit probablement inférieur à certaines
valeurs avancées par les partisans, il pourrait être de l'ordre de quelques
milliers (dizaines de milliers si l'on est laxiste, centaines si l'on est
sévère). Mais en raison des éléments suivants, il n'est pas interdit de penser
que même ces cas « solides » pourraient être en réalité explicables par les
différentes causes envisagées en 3 (ce qui ne prouve bien sûr pas qu'ils soient
forcément tous explicables ainsi).
4.2 La valeur des enquêtes. En raison du
problème de la fiabilité du milieu ufologique (voir 6), on peut s'interroger sur
la valeur de beaucoup d'enquêtes (y compris par plusieurs des grands noms de
l'ufologie), et donc penser que nombre de cas prétendument inexplicables
relèvent en fait de causes banales sans qu'on soit forcément en mesure de
découvrir laquelle (ou lesquelles quand plusieurs entrent en jeu simultanément,
ce qui complique bien sûr les choses).
4.3 Les classiques inexplicables mais pourtant
expliqués. Il existe un nombre important de cas, y
compris parmi les « classiques » ayant contribué à construire l'image du
phénomène ovni, qui furent longtemps considérés comme inexplicables, mais qui
furent ensuite expliqués de façon conventionnelle (souvent par des partisans).
Il a pu suffire pour cela par exemple d'une nouvelle enquête, éventuellement par
un ufologue moins impliqué émotionnellement dans le cas que ses prédécesseurs,
de la découverte d'un détail capital, ou encore de l'intervention plus ou moins
providentielle « du » spécialiste qu'il fallait. Parmi les nombreuses
illustrations possibles, mentionnons seulement les quelques affaires suivantes
(voir aussi celles notées en 3.5).
- Fargo, ND, U.S.A., 01.10.1948 : dans son
encyclopédie (2), Jerome Clark accepte l'explication du ballon sonde avancée par
l'U.S. Air Force et considère que « l'observation de Gorman pourrait être après
l'incident Mantell [un pilote de chasse qui s'était écrasé en poursuivant un
ballon sonde d'un type alors secret] le rapport d'ovni le plus surévalué dans
l'histoire des débuts du phénomène ».
- Villacoublay, Yvelines, 29.08.1952 : des
météorologues militaires observent à l'oeil nu et au théodolite des lumières
brillantes dans le ciel et rédigent un rapport officiel ; selon l'astronome et
ufologue Pierre Guérin, il s'agissait en fait de Jupiter et de Véga (11 p.
227).
- région Draguignan, Var,
06.10.1952 (divers témoins, dont deux pilotes en vol):
selon Aimé Michel en 1954, cet « objet qui survola la Provence [] est peut-être
celui dont le passage, du point de vue scientifique, est le plus proche
d'apporter la preuve définitive et irréfutable de l'existence réelle des
soucoupes volantes » (12 p. 169). Malheureusement, Guérin nous apprend que
c'était un bolide (11 p. 227-228, 332).
- Ubatuba, Brésil, début 09.1957 : cet ovni ayant
explosé et dont on a récupéré des débris constitués de magnésium à très haute
pureté n'était qu'une fusée militaire aux dires de Michel Bourron, un
spécialiste de balistique et de pyrotechnique.
- Trancas, Argentine, 21.10.1963 :
extraordinaire rencontre du 3ème type avec divers effets physiques, s'expliquant
pour Roberto Banchs par des manoeuvres militaires.
- Willamette Pass, OR, U.S.A., 22.11.1966 : photographie d'un ovni doctement analysée ensuite par des physiciens
(l'un d'eux annonce que les effets particuliers de l'image sont dus au fait que
l'engin oscillait entre notre espace-temps et un autre) ; c'était tout
simplement un panneau routier. Ce cas démontre qu'un mystificateur peut n'avoir
aucune motivation apparente et demeurer impuni durant un quart de siècle : il
est donc bien moins évident de détecter une fraude (ici, la récupération
opportuniste d'une photo un peu curieuse) que ne le prétendent les
partisans.
- Marliens, Côte d'Or,
03.05.1967 : des traces remarquables, ensuite expliquées
par la foudre. On peut noter aussi qu'aucun ovni n'avait été observé,
contrairement à ce qu'écrivent quelques auteurs récents à l'imagination
fertile.
- observations belges de la
nuit du 30-31.03.1990 : il s'agissait de réfractions
atmosphériques exceptionnelles d'étoiles pour les lumières observées du sol par
les gendarmes et de possibles (probables ?) anomalies de propagation radar des
avions F-16. C'est là l'explication finalement retenue par le professeur Auguste
Meessen (13), qui avait pourtant d'abord décrété que cette affaire était
quasiment la preuve absolue de la présence parmi nous de vrais-ovnis
extraterrestres.
Il est alors permis de se demander si ces nombreux ovnis «
inexplicables et pourtant expliqués » ne sont pas un défi à l'existence d'un
noyau dur de cas totalement fiables et
réellement
inexplicables.
4.4
L'indiscernabilité entre quasi-ovnis et ovis. Au
moins à première vue, les témoins des deux types d'affaires semblent être les
mêmes et les récits qu'ils font aussi, que ce soit pour la trame générale ou
pour les détails rapportés : conditions d'observation, descriptions de l'objet
ou de l'ufonaute, effets temporaires ou durables, etc. Il convient toutefois de
remarquer que cet argument seul ne prouve pas l'identité de nature des
quasi-ovnis et des ovis ; car il se pourrait que des aliens « déguisent » leurs
engins afin de nous tromper.
Au-delà de l'existence de cas apparemment inexplicables, bien
réelle mais qui ne saurait à elle seule démontrer la présence de vrais-ovnis,
les partisans avancent diverses preuves, directes ou indirectes, de cette
existence. Elles sont elles aussi contestables à des degrés
divers.
5.1 L'existence
d'éléments matériels, comme les débris d'ovnis, les
mutilations animales, les photographies ou films vidéo, les enregistrements
sonores, est bien sûr attestée dans un assez grand nombre d'affaires. Mais il
est souvent difficile de savoir s'ils sont réellement connectés à l'observation
(la « trace laissée par l'ovni » n'était-elle pas présente avant qu'il ne se
manifeste ?) et quel est leur caractère réel de non-explicabilité en termes
conventionnels ; et, pour ce qui est des fragments supposés d'ovni ayant fait
l'objet d'une analyse, aucun d'eux n'exige une origine extraterrestre. Ces
constatations s'appliquent bien sûr aussi à tout les effets allégués des ovnis
(pannes de moteur ou de télévision, faisceaux lumineux anormaux, effets
physiologiques temporaires,). En particulier, les scientifiques réunis en 1997
au Centre de Pocantico à Tarrytown (Etat de New York) et à qui quelques
ufologues soigneusement sélectionnés étaient censés présenter leurs meilleurs
cas se sont plaints à propos de tels effets du manque de données incontestables
(10).
5.2 L'authentification
mutuelle des cas par les analogies qu'ils présentent est un argument qui est invalidé par l'indiscernabilité ovni-ovi. Car
lorsque divers auteurs ont voulu en donner des exemples, ils ont souvent comparé
des affaires à peu près fiables à d'autres qui le sont nettement moins, ou qui
ont été expliquées ultérieurement par des causes banales, voire qui l'étaient
déjà à l'époque. De plus, les analogies entre ces cas sont souvent peu probantes
sauf pour un ou deux traits particuliers, et les descriptions identiques
d'engins ou d'ufonautes sont rarissimes (Hynek avait un jour qualifié de
pandémonium l'extrême variété des ovnis).
5.3 La cohérence statistique qui semble
ressortir de diverses analyses est elle aussi mise à mal par l'indiscernabilité,
mais surtout par le fait que les fichiers sont généralement saturés de cas
n'ayant rien à voir avec de possibles vrais-ovnis ou même seulement avec les
quasi-ovnis. Et l'on a montré à l'occasion que certains travaux statistiques
connus pouvaient être très critiquables à divers égards (voir par exemple le cas
étudié par l'auteur en référence 5).
5.4 L'existence de modèles explicatifs quasi-exhaustifs et
cohérents, tant au niveau des hypothèses globales qu'à
celui de points plus spécifiques, pourrait être un argument solide si tant
d'entre eux n'étaient pas en concurrence et surtout s'ils ne reposaient pas eux
aussi sur tant de cas douteux. C'est ainsi que, dans le cadre de l'hypothèse
extraterrestre, le modèle de propulsion magnétohydrodynamique (MHD) des ovnis
par Jean-Pierre Petit avait pu un temps passer pour un des plus prometteurs ;
mais qu'elle est sa fiabilité réelle dans la mesure où l'on sait, aux dires
mêmes de l'auteur (voir plusieurs de ses livres), qu'il s'est basé
essentiellement sur des documents ummites ? Car l'affaire UMMO est généralement
considérée aujourd'hui comme une mystification sophistiquée, y compris par de
nombreux partisans (il s'agissait de milliers de courriers à contenu «
philosophique » ou « scientifique » reçus par des dizaines
d'ufologues).
5.5 La preuve
sociologique par le comportement des autorités n'a
guère de valeur non plus puisque ce comportement semble pouvoir s'expliquer par
des causes n'ayant rien à voir avec les ovnis eux-mêmes. Commençons par éliminer
tous les faux documents officiels comme ceux se rapportant au MJ-12 (voir 3.1)
ou les vrais documents trafiqués : ils pourraient bien avoir été concoctés par
des partisans plus ou moins marginaux intéressés à faire fonctionner le business
soucoupique. Des affaires ovnis utilisées comme couverture (voir 3.5), les
habitudes bureaucratiques, le refus d'avouer que l'on ne sait pas ce qu'est le
phénomène ou que l'on est incapable d'expliquer clairement pourquoi il n'existe
pas, tout cela suffirait déjà à rendre compte d'une bonne part du comportement
ambigu des autorités. Mais le facteur essentiel pourrait bien avoir été la
guerre froide et la paranoïa qu'elle a provoquée dans les années 1950-1960,
largement oubliée aujourd'hui mais bien réelle à l'époque et qui était alimentée
par des risques qui n'avaient rien d'imaginaires (le monde est réellement passé
près de la guerre nucléaire !). Un tel contexte rend en particulier parfaitement
compte de la Commission Robertson réunie par la C.I.A. en 1953, alarmée de voir
les militaires risquer d'être accaparés par une menace imaginaire face à celle
que faisaient peser les Soviétiques.
A l'inverse, on peut soutenir que les
partisans, malgré la force écrasante des preuves qu'ils prétendent apporter, se
sont révélés incapables en quelque 50 ans de faire globalement basculer
l'attitude des deux communautés qui comptent vraiment en la matière, celle des
scientifiques et celle des autorités politiques et militaires. Pour ces
dernières, on doit certes s'en tenir à ce qui pourrait n'être qu'une apparence.
Une telle position est en tout cas largement confortée par ce qu'on sait de la
situation en Espagne (14) ou en Grande-Bretagne (15). Mais aussi en France, avec
les déclarations du général (en retraite) Guy Dotte-Charvy, un insider pour
lequel l'attitude de l'Armée française peut se résumer à la formule : « 's'en
foutre' (et je pèse mes mots) tel est le 'Grand Secret' ! » (16). Car cela me
semble complètement incompatible tant avec le fait que les militaires français
seraient au courant de la présence parmi nous d'éventuels vrais-ovnis, qu'avec
l'existence même de ces derniers.
5.6 Les observations du passé ont elles
aussi été utilisées comme preuve de l'existence des ovnis actuels, au prétexte
que nos ancêtres n'avaient certes pas d'avions ou de satellites pour les
confondre avec des ovnis, et n'auraient pas été capables d'inventer de telles
histoires. Voire ! De nombreuses descriptions anciennes sont trop sommaires ou
trop peu précises pour qu'on puisse se prononcer. Parfois, on peut aussi
soupçonner tel ou tel phénomène naturel : ainsi quand Roger de Wendover nous
apprend qu'en Angleterre en 555 « on a vu des lances dans le quart nord-ouest du
ciel », il est permis de penser à une aurore boréale. Mais surtout, il est
indispensable de replacer les récits dans leur contexte historique, ce qui offre
souvent un tout autre éclairage que celui apporté par nos connaissances de l'ère
technologique et spatiale, surtout dans les nombreux textes ayant une fonction
apologétique (Sur ces questions, on peut se reporter au chapitre de Gilles
Durand en réf. 5).
6.1 Une absence globale de
fiabilité. Nous écarterons d'emblée les éléments les
plus contestables de l'ufologie : contactés rapportant leurs aventures cosmiques
ou/et prêchant la bonne parole des extraterrestres, cultistes adeptes des
précédents, paranoïaques plus ou moins délirants (pour l'un d'eux, la guerre
froide n'était qu'un leurre monté par les Américains et les Soviétiques pour
tromper les envahisseurs aliens !), ou encore quelques professionnels de la
soucoupe volante ne croyant pas un mot de ce qu'ils écrivent. Ce sont pourtant
souvent eux qui ont occupé le devant de la scène dans les médias.
Alors,
les ufologues de base sont des gens parfaitement honnêtes et normalement
intelligents, et ils ont accompli depuis plus de 50 ans une somme colossale de
travail. Malheureusement, trop d'entre eux manquent d'esprit critique et de
connaissances dans les méthodes et résultats des sciences de la nature ou de
l'homme. En particulier, ils acceptent trop facilement les témoignages pour
argent comptant sans s'être jamais interrogés sur la psychologie de la
perception ou de la mémoire. Donnons à titre d'illustration un seul exemple de «
symptôme » de ces insuffisances, ce qu'on peut appeler le « postulat
d'indépendance des ovnis et des ovis » : le partisan admet certes l'existence de
cas explicables, mais il les écarte aussitôt du champ de sa réflexion en
prétendant qu'ils n'ont rien à voir avec les cas inexplicables subsistants ;
c'est là une pétition de principe, car c'est justement ce qu'il faudrait
démontrer.
Pris globalement donc, le milieu ufologique manque cruellement
de fiabilité, ce que d'ailleurs plusieurs partisans sérieux ont reconnu (c'était
par exemple le cas de Jacques Scornaux, dont l'essentiel du chapitre sur la
question dans la référence 5 datait de l'époque où il était un ferme défenseur
de l'HET). La situation ne paraît hélas guère différente du côté des ufologues
majeurs, ceux dont les écrits ont bâti la pensée ufologique, y compris pour
beaucoup des scientifiques intéressés par le problème ovni. Une bonne part de
ces ufologues majeurs ou de ces scientifiques se révèlent être en fait de purs
croyants (certains attendent même que les extraterrestres viennent enfin nous
sauver de nous-mêmes), voire parfois d'authentiques délirants. Il convient
toutefois de dire aussi qu'il y de remarquables exceptions à cette faiblesse
globale du milieu ; ces quelques dizaines de personnes ne font hélas pas le
poids face aux milliers d'autres.
6.2 Le rôle du postulat extraterrestre. Le
facteur essentiel expliquant cette regrettable situation pourrait bien être le
fait que de nombreux ufologues sont prisonniers d'un système de croyance qu'ils
ont eux-mêmes construit en collaboration avec les médias, le « postulat
extraterrestre » (les partisans dissidents tenants d'hypothèses alternatives ont
vraisemblablement aussi leur propre système de croyance, différent mais tout
aussi efficace). Ce « postulat » explique par des visiteurs venus d'ailleurs non
seulement les observations d'ovnis mais aussi tout un ensemble de données qui
leur sont plus ou moins directement corrélées, comme les mutilations animales,
les disparitions mystérieuses dans le Triangle des Bermudes, les anomalies
archéologiques, les cercles des cultures d'Angleterre et d'ailleurs, et bien
d'autres choses encore. En admettant que de possibles extraterrestres viennent
nous visiter (ceci n'est pas en soi absurde), faut-il pour cela leur attribuer,
et la moindre lumière inexpliquée dans le ciel, et tout ce qui dépasse notre
compréhension (en tout cas celle des auteurs sur ces questions)
?
L'évolution de l'ufologie depuis une vingtaine d'années me paraît
d'ailleurs assez significative à cet égard. Après la période allant jusqu'aux
années 1980 environ, où les partisans acceptaient (pour la plus grande part)
l'HET mais avaient une optique fondamentalement rationnelle, beaucoup
d'ufologues américains puis d'autres à leur suite en sont venus à accepter
divers thèmes plus contestables. Il en est ainsi des enlèvements en très grand
nombre (probablement en vue de manipulations génétiques), des écrasements de
soucoupes, de l'existence de structures artificielles sur la Lune ou Mars (le
fameux Visage, entre autres), du complot des autorités voulant nous cacher la
présence des aliens tout en incitant Hollywood à nous sensibiliser discrètement,
ou encore pour certains du Grand Complot alliant nos dirigeants à de très
méchants extraterrestres. Certes tous les partisans n'ont pas succombé à une
telle vision des choses, mais l'évolution des principales revues américaines me
semble aller dans le droit fil d'un tel processus (une exception peut être faite
pour l'International UFO Reporter publié par le CUFOS). Et si la série
des X-Files (remarquable en tant que fiction) est maintenant en perte de
vitesse, plusieurs lettres de lecteurs parues à l'époque de sa splendeur dans la
presse spécialisée montraient que d'assez nombreux jeunes proclamaient comme des
gens à qui on ne la fait pas qu'il ne faut faire confiance à personne : n'est-ce
pas un peu inquiétant ?
6.3 Une
littérature qui diverge de la réalité. Une conséquence
du manque de fiabilité de l'ufologie et de l'indiscernabilité ovni-ovi est que
la quasi-totalité de la littérature ufologique n'a rien à voir avec d'éventuels
vrais-ovnis, écartant par-là même progressivement les ufologues de la réalité et
donc renforçant le mythe par un effet de rétroaction positive, en construisant
en nous une image de plus en plus erronée du phénomène ovni. Quel paradoxe donc
: si les vrais-ovnis existent malgré tout, ce sont les ufologues qui sont en
bonne part responsables de ce que les autorités, les scientifiques, et le public
n'acceptent pas leur réalité
Quoiqu'il puisse être, le phénomène ovni possède une composante
psycho-socio-culturelle fondamentale, dont l'importance est largement
sous-estimée par les ufologues. Pourtant, cette part « anthropocentriste » est
amplement démontrée par divers facteurs.
7.1 Les convergences entre le phénomène ovni (pris globalement) et
diverses productions de l'esprit humain. De
telles convergences sont nombreuses, mentionnons seulement les parallèles
découverts par Bertrand Méheust avec d'obscurs récits de science-fiction des
années 1900-1940 (17) ; les descriptions analogues à celles obtenues en états
modifiés de conscience (voir plus haut en 3.3c) ; les ressemblances avec les
observations au 19ème siècle des canaux martiens allégués ou du soi-disant
satellite de Vénus ; ou encore les nettes analogies avec certaines apparitions
mariales qui ne paraissent avoir aucun fondement solide, comme en Belgique en
1933-1934 ou récemment à Medjugorje.
7.2 Le cas spécifiques des enlèvements. En
particulier, la vogue des enlèvements par les extraterrestres présente pour
l'essentiel les mêmes caractéristiques que la grande sorcellerie européenne de
la Renaissance et de l'époque classique. Globalement, celle-ci a été la création
des inquisiteurs. Et ceux-là le sont d'ufologues et de psychothérapeutes
incompétents ou, plus simplement, convaincus de la réalité de ces enlèvements.
En fait, quand un thérapeute est persuadé de la réalité des enlèvements par des
aliens, de la réincarnation, de la possession par les esprits, ou de l'existence
de cérémonies sataniques avec sacrifices humains, il (ou elle) en découvre
systématiquement des expériences « vécues » chez certains de ses patients.
Pourtant, il ne s'agit vraisemblablement que de manifestations du « syndrome de
la fausse mémoire », qui se crée grâce à des influences plus ou moins subtiles
sur les sujets : on en a la preuve dans certains cas allégués d'abus sexuels ou
de manifestations sataniques dont des parents avaient été faussement accusés par
leurs propres enfants devenus adultes (18). De telles dérives devraient
interpeller les partisans qui s'en sont fait les complices, ne serait-ce que par
leur silence.
7.3 Les cas avec
« éléments dépendants du témoin ». Dans de nombreuses
expériences ovni, le contenu du récit a bien plus à voir avec l'observateur (ou
l'humain en général), son passé, ses préoccupations, le fonctionnement de son
cerveau, etc., qu'avec d'hypothétiques aliens. Ce sont par exemple des
observations présentant ce qu'on appelait naguère des manifestations de «
mimétisme psychologique », avec un joaillier ou un sacristain retraité voyant en
l'air respectivement un pendentif ou des horloges, un prospecteur qui observe
des ufonautes creusant un trou devant sa maison, ou des parents attendant leur
fille en retard et observant de petits êtres tournant en rond dans une « lune »
dans le ciel. Dans d'autres affaires, certains détails rapportés possèdent une
valeur symbolique ou religieuse évidente, souvent liée aux croyances du témoin
comme dans les nombreuses expériences de Betty Andreasson-Luca aux Etats-Unis ou
l'enlèvement de José Antonio da Silva au Brésil. Ce sont encore des cas où le
récit originel des témoins a été peu à peu modifié en raison d'influences
extérieures, discussions avec des proches ou enquêtes quelque peu orientées par
des journalistes ou des ufologues trop convaincus. Il n'est bien sûr pas
impossible que de tels « éléments dépendants du témoin » (expression due à Luis
Schönherr) puissent être liés à des ovnis objectifs, il est néanmoins bien plus
simple de leur attribuer une origine purement humaine.
7.4 Fonction de l'ovni. Divers
auteurs comme Michel Carrouges, Hilary Evans, Carl Gustav Jung, Alain Schmitt et
d'autres ont tenté de comprendre quelle pourrait être la fonction possible de
l'ovni considéré dans une perspective socio-psychologique. Pris globalement, le
phénomène ovni pourrait ainsi être une manifestation de l'angoisse collective de
l'humanité face au divorce de ses parts matérielle et spirituelle et face à un
futur que nous ne semblons plus maîtriser. Il traduirait alors notre besoin de
merveilleux en termes à peu près acceptables dans notre monde hyper-rationnel et
hyper-technicisé, avec comme autrefois des sauveurs venant du Ciel, mais
désormais dans des engins sophistiqués. Cela correspondrait au niveau individuel
à des expériences ayant une valeur gratifiante, voire cathartique (malgré
parfois les apparences : voisins ou médias se moquant des témoins, épreuves
subies lors de certains enlèvements). Plus généralement d'ailleurs, des auteurs
critiques sur l'existence des phénomènes paranormaux se demandent aujourd'hui si
de telles manifestations, bien que relevant en fait d'explications «
conventionnelles », n'auraient pas un rôle bénéfique pour ceux qui les
vivent.
Nous avons donc avec la TRC les bases d'une hypothèse économique qui semble bien pouvoir rendre compte
de l'ensemble des données du problème ovni, dans la mesure
où les « faits » admis par les partisans ne sont pas forcément aussi solides
qu'il y paraît et qu'ils ne le proclament. Avant de se tourner si nécessaire vers des hypothèses plus fantastiques,
il convient donc de creuser sérieusement la TRC pour voir
ce qu'elle a réellement « dans le ventre ».
On pourra pour cela se baser
sur la plupart des textes rassemblés dans l'ouvrage collectif dirigé par Thierry
Pinvidic (réf. 5) et sur diverses contributions, en particulier celles de Martin
Kottmeyer, de la seconde édition de l'encyclopédie de Ronald Story (réf. 6).
Plusieurs autres références mentionnées ci-dessous seront aussi très utiles,
dont tout spécialement la critique dévastatrice des enlèvements par Kevin Randle
et al. (19). Et même diverses positions des partisans offrent d'intéressantes
munitions aux opposants. Quant aux revues ufologiques, les plus utiles pour
l'étude de la TRC sont certainement Ovni-Présence et son avatar
Anomalies, malheureusement disparues (20), et la britannique
Magonia (21).
Claude Maugé
Références
1. Michel Bougard (dir.), Des soucoupes volantes aux
OVNI. SOBEPS Diffusion J.P. Delarge, 1976.
Gildas Bourdais.
Enquête sur l'existence d' êtres célestes et cosmiques. Filipacchi,
1994.
J. Allen Hynek. Les Objets Volants Non Identifiés : mythe ou réalité
? .Belfond, 1974.
(Inexpliqué). OVNIS : un dossier brûlant. Atlas,
1984.
Fernand Lagarde (dir.). Mystérieuses soucoupes volantes.
Albatros (Etapes), 1973.
Pierre Lagrange, Clarisse Le Friant et Guillaume
Godard. Sont-ils parmi nous ? La nuit extraterrestre.
Gallimard/Canal+, 1997.
Jacques Lob et Robert Gigi. Les apparitions
OVNI. Dargaud, 1979. (Initialement publié en trois tomes : Le dossier des
soucoupes volantes, 1972 ; Ceux venus d'ailleurs, 1973 ; O.V.N.I.,
dimension autre, 1975).
James E. McDonald. Objets volants non
identifiés. Le plus grand problème scientifique de notre temps ?.
GEPA, 1969.
Daniel Mavrakis et Marie-Pierre Olivier. Les objets volants
non identifiables. Laffont, 1986.
Jacques Scornaux et Christiane Piens.
A la recherche des OVNI. Marabout, 1976.
2. Jerome Clark. The UFO
Encyclopedia, 2nd edition. The phenomenon from the beginning. Omnigraphics,
1998, 2 volumes.
3. Hilary Evans et John Spencer (eds.). UFOs 1947-1987.
The 40-year search for an explanation. Fortean Tomes, 1987.
4. Claude
Maugé. "OVNI-OVI: sur un certain état de la question", Inforespace, n°
63, juin 1983 : 2-12 (a) ; n° 7 hors-série, décembre 1983 (b).
5. Thierry
Pinvidic (dir.). OVNI. Vers une anthropologie d'un mythe contemporain.
Heimdal, 1993.
6. Ronald D. Story (ed.). The Encyclopedia of
extraterrestrial encounters. A definitive, illustrated A-Z guide to all
things alien. New American Library, 2001. (Malheureusement extrêmement
hétérogène, voire ridicule pour beaucoup d'entrées courtes. Bien que plus «
croyante », la première édition était globalement bien meilleure : The
Encyclopedia of UFOs, Doubleday/New English Library, 1980).
7. Paolo
Toselli. « L'examen des cas d'objets volants identifiés (OVI) : le facteur
humain », in T. Pinvidic, op. cit. réf. 5 : 280-301 (Lecture très
vivement conseillée).
8. William R. Corliss (comp.). Tornados, dark days,
anomalous precipitations, and related weather phenomena, 1983. Rare
halos, mirages, anomalous rainbows, and related electromagnetic phenomena,
1984. Remarkable luminous phenomena in nature, 2001 (réédition très
augmentée de Lightning, auroras, nocturnal lights, and related luminous
phenomena, 1982). Toutes les publications de Corliss sont publiées par
lui-même dans le cadre du Sourcebook Project, P.O. Box 107, Glen Arm, MD 21057,
USA.
9. Voir par exemple Stephen Mende, David Sentman et Eugene Wescott, « La
foudre au-dessus des nuages », Pour la Science, n° 240, octobre 1997 :
48-51.
10. P.A. Sturrock et al., "Physical evidence related to UFO reports:
the proceedings of a workshop held at the Pocantico Conference Center,
Tarrytown, New York, September 29 October 4, 1997", Journal of
scientific Exploration, 12 n° 2, summer 1998: 179-229. Une version
largement augmentée est : Peter A. Sturrock, La science face à l'énigme des
OVNIS, Presses du Châtelet, 2002. Voir un résumé et une revue critique du
texte original dans : Claude Maugé, « Le 'rapport Sturrock' et les preuves
physiques des OVNI », Inforespace, n° 98, juin 1999 : 4-26.
11. Pierre
Guérin. OVNI. Les mécanismes d'une désinformation. Albin Michel,
2000.
12. Aimé Michel. Lueurs sur les soucoupes volantes. Mame,
1954.
13. (SOBEPS). Vague d'OVNI sur la Belgique. 2. Une énigme non
résolue. SOBEPS, 1994.
14. Sur l'implication de l'armée de l'air
espagnole, voir Vicente-Juan Ballester Olmos, Expedientes insólitos. El
fenómeno ovni y los archivos de Defensa, Temas de hoy, 1995. L'article
publié dans VSD Hors-série OVNIS n° 6, novembre 2003, gauchit la position
de Ballester Olmos en insistant sur les aspects les plus fantastiques.
15.
David Clarke et Andy Roberts. Out of the shadows. UFOs, the Establishment and
the official cover up. Piatkus, 2002.
16. G. D.C. [Guy Dotte-Charvy]. « X
Files, M.I.B. et Grande Muette. Un peu d'histoire militaro-ufologique »,
Lumières Dans La Nuit, n° 357, août 2000 : 12-14. Voir aussi n° 361,
juillet 2001 : 39-41.
17. Bertrand Méheust. Science-fiction et soucoupes
volantes. Une réalité mythico-physique. Mercure de France, 1978.
18. Voir
par exemple : Olivier Blond, « Le syndrome des faux souvenirs », La
Recherche, n° 344, juillet-août 2001 : 69-71. Harriet Coles, « Vraies
victimes et faux souvenirs des abus sexuels », Le Monde, 10 octobre 1997
: 27. Elizabeth Loftus, « Les faux souvenirs », Pour la Science, n° 242,
décembre 1997 : 34-40.
19. Kevin D. Randle, Russ Estes et William P. Cone.
The abduction enigma. Forge, 1999.
20. Pour se procurer les numéros
encore disponibles, se renseigner auprès de l'Observatoire des Parasciences,
B.P. 57, 13244 Marseille La Plaine Cedex 01.
21. Magonia, John Rimmer, John
Dee Cottage, 5 James Terrace, Mortlake Churchyard, London, SW14 8HB, Grande
Bretagne (www.magonia.demon.co.uk).
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